Quand des milliers de corps gisent encore sous les décombres, certains parlent déjà “reconstruction”. À Washington, on appelle cela “opportunité économique”. Et dans l’entourage de Donald Trump, on préfère même le terme “Riviera du Moyen-Orient”.

Un document révélé par le Washington Post en août 2025 a levé le voile sur un projet glaçant : le “GREAT Trust”, pour Gaza Reconstruction, Economic Acceleration and Transformation Trust. Derrière cette appellation technocratique se cache un plan de transformation totale de la bande de Gaza, conçu par Jared Kushner, gendre et ancien conseiller de Donald Trump, et Steve Witkoffmagnat de l’immobilier new-yorkais.

L’objectif ? Faire de Gaza une vitrine immobilière ultramoderne sous contrôle américain, financée par des fonds privés, et débarrassée de ses habitants jugés “indésirables”.

Un projet de colonisation économique

Selon les documents consultés par le Washington Post, le plan prévoit que les États-Unis administrent Gaza pendant dix ans, le temps de “reconstruire” le territoire. Pendant cette période, les deux millions d’habitants actuels seraient invités à partir, “volontairement”, vers des zones d’accueil situées en Égypte, en Jordanie ou ailleurs.

Une relocalisation temporaire, dit le texte. Mais sans garantie de retour. En échange de ce départ, chaque famille recevrait 5 000 dollars, un an de vivres et des jetons numériques censés représenter leurs droits fonciers, échangeables plus tard contre des logements dans les “smart cities” à venir.

Autrement dit : une épuration territoriale digitalisée, où la propriété palestinienne se transforme en token spéculatif géré par un fonds de reconstruction international.

Un Gaza “Riviera” réservé aux investisseurs

Les plans architecturaux diffusés en annexe du document décrivent un Gaza futuriste :

des hôtels cinq étoiles, des centres commerciaux flottants, des marinas, des résidences sécurisées reliées par des voies rapides, et même des parcs à thème sur la résilience.

L’idée n’est pas nouvelle. Déjà en 2020, Trump évoquait la “Riviera du Moyen-Orient”. À l’époque, le projet avait été jugé farfelu. En 2025, il devient un business plan détaillé, soutenu par des fonds d’investissement saoudiens et émiratis proches du clan Trump.

Le duo Kushner-Witkoff, déjà derrière plusieurs projets immobiliers controversés à New York, veut attirer près de 100 milliards de dollars de capitaux privés.

Une manne financière colossale, mais à une condition : que Gaza soit sous tutelle américaine.

L’or des ruines

L’article du Monde (daté du 9 octobre 2025) le résume sans détour : “Gaza, eldorado immobilier selon le clan Trump.”

On y apprend que cette “manœuvre” a déjà suscité une réunion entre des investisseurs américains, israéliens et arabes, sous la supervision d’Affinity Partners, le fonds de Jared Kushner.

Ce projet serait présenté comme “humanitaire”, une façon de “rendre la vie possible à Gaza”. En réalité, il s’agit d’une privatisation intégrale d’un territoire détruit, transformé en laboratoire géopolitique et financier.

Une Riviera bâtie sur des charniers.

La relocalisation comme solution finale

Dans ce plan, le déplacement massif des Palestiniens n’est pas un effet collatéral, mais une condition préalable. Les rédacteurs du Washington Post ont consulté un passage précis du rapport du GREAT Trust :

“La viabilité du projet repose sur la stabilisation sociale obtenue par le déplacement ordonné et volontaire de la population actuelle.”

En clair : pas de paix sans départ.

Pas de reconstruction sans désert humain.

Une logique qui rappelle d’autres épisodes sombres de l’histoire contemporaine : la colonisation de territoires vidés de leurs habitants, les “villages modèles” construits sur les ruines d’anciens bidonvilles, ou encore les “villes nouvelles” chinoises destinées à remplacer des quartiers entiers rasés par la planification urbaine.

Sauf qu’ici, il s’agit d’un territoire sous occupation militaire, où le terme de génocide est désormais employé par plusieurs organisations internationales, dont Amnesty et Human Rights Watch.

Un plan illégal selon le droit international

Les experts du droit humanitaire interrogés par The Guardian dénoncent un projet contraire à la Convention de Genève, qui interdit tout transfert forcé de population dans un territoire occupé.

Même présenté comme “volontaire”, le déplacement de deux millions de personnes après des bombardements massifs, des coupures d’eau, d’électricité et de nourriture, ne saurait être considéré comme librement consenti.

Le concept même de “trust de reconstruction” administré par une puissance étrangère viole la souveraineté palestinienne, et risque d’être interprété comme une forme de colonialisme économique sous couverture humanitaire.

Le business du chaos

À chaque guerre, ses marchands.

Mais rarement la spéculation immobilière n’aura pris un visage aussi cynique.

Gaza, rasée, affamée, asphyxiée, devient un territoire-projet, une page blanche pour les financiers du monde libre.

Les drones américains détruisent, les fonds saoudiens financent, les start-ups israéliennes reconstruisent.

Le cycle parfait du capitalisme de guerre.

Trump n’a jamais caché sa proximité avec Benyamin Netanyahou, ni son mépris pour l’ONU. En janvier 2025, il annonçait vouloir “prendre le contrôle de Gaza pour rétablir la sécurité”.

Neuf mois plus tard, ses proches présentaient un business plan complet de reconstruction, signé par un fonds domicilié à Miami.

Une privatisation totale de la paix

Le “GREAT Trust” prévoit la création d’un gouvernement intérimaire géré par des contractants civils américains, où chaque infrastructure — port, réseau électrique, sécurité, santé — serait confiée à des entreprises privées, de Halliburton à Bechtel.

Autrement dit, une externalisation complète de la souveraineté.

Le futur de Gaza ne serait plus écrit par les Palestiniens, ni même par les Israéliens, mais par un consortium international d’hommes d’affaires liés à la Maison-Blanche.

Conclusion : le génocide comme opportunité de marché

Ce qui se joue ici dépasse Gaza.

C’est une nouvelle doctrine : celle du “capitalisme post-conflit”, où la destruction devient un préalable à la reconstruction lucrative.

Le projet “GREAT Trust” est la version contemporaine du vieux rêve colonial : reconstruire le monde à l’image de l’Occident, sur les ruines des peuples qu’il a détruits.

Mais cette fois, le cynisme est total.

Ce n’est plus une conquête militaire. C’est une OPA humanitaire.

Une conquête économique maquillée en mission de paix.

Et si ce projet aboutit, Gaza ne sera pas reconstruite.

Elle sera rachetée.

Retrouvez le document du Washington Post : https://www.washingtonpost.com/documents/f86dd56a-de7f-4943-af4a-84819111b727.pdf