Ce matin, au tribunal de Paris, porte de Clichy, devait s’ouvrir le procès d’Ismaël Boudjekada, poursuivi pour propos antisémites, doxing, appel à la haine et apologie du terrorisme. En apparence, un simple dossier d’infractions numériques. En réalité, une affaire qui met en lumière le deux poids deux mesures qui gangrène la justice française lorsqu’il s’agit de liberté d’expression et de critique d’Israël.

Dès l’ouverture, le contraste était saisissant : dix avocats représentant l’OJE, l’OJF et diverses associations de défense de la diaspora juive en France et de “l’image d’Israël”. Aucun plaignant individuel n’était présent. Face à eux, un homme seul, appuyé par une cinquantaine de citoyens venus en soutien, dans une atmosphère calme et digne.

Le tribunal a rapidement estimé que deux heures d’audience ne suffiraient pas à traiter un dossier aussi dense. L’audience a donc été reportée au 25 février 2026, une décision qui, pour beaucoup, évite le piège du jugement expéditif voulu par les parties civiles.

À la sortie, la tension a explosé : plusieurs avocats des parties civiles ont quitté la salle en adressant un doigt d’honneur avant de réclamer une escorte policière pour quitter les lieux, arguant d’un sentiment de menace. Aucun incident concret n’a pourtant été constaté.

Mais le cœur de l’affaire se situe ailleurs : dans la ligne de défense d’Ismaël Boudjekada, qui révèle l’hypocrisie du système. Il est poursuivi pour des publications satiriques sur les réseaux sociaux, dans lesquelles il avait repris mot pour mot les propos d’un rabbin extrémiste appelant à tuer les Palestiniens, en remplaçant simplement le mot “Palestinien” par “Juif”. Le rabbin, lui, n’a jamais été poursuivi. Ismaël, oui. Voilà le crime : tendre un miroir à une haine autorisée.

Concernant l’accusation de doxing, là encore, la version des faits mérite d’être entendue. Ismaël avait infiltré sur Telegram un groupe d’extrémistes sionistes, dans lequel circulaient des propos ouvertement racistes, islamophobes et violents, allant jusqu’à appeler à des actions menaçant la sécurité nationale. Face à cette dérive, il a choisi de révéler publiquement les noms et numéros de téléphone des individus en question. Une démarche de transparence et d’alerte citoyenne qu’on pourrait rapprocher du journalisme d’investigation. Ironie du sort : ce sont ces mêmes individus qui ont porté plainte contre lui — mais aucun d’entre eux ne s’est présenté à l’audience.

Pendant ce temps, les plateaux télé mainstream continuent d’offrir une tribune quotidienne à des propos bien plus violents, qu’ils soient racistes, islamophobes ou anti-palestiniens. Des chroniqueurs, éditorialistes et pseudo-experts multiplient les amalgames et les discours de haine, sans jamais être inquiétés. Deux justices, deux mondes.

Ismaël, lui, a déjà connu la prison, un mois de détention provisoire pour des mots — rien d’autre. Aujourd’hui, il obtient une première respiration : son contrôle judiciaire est assoupli, avec une présentation toutes les deux semaines au lieu d’une fois par semaine. Le dossier sera confié à la 17ᵉ chambre du tribunal de Paris, spécialisée dans les affaires de presse et de liberté d’expression, une juridiction plus compétente pour juger ce type d’affaires.

Deux autres procès attendent encore Ismaël : un début novembre et un autre le 28 janvier. Tous pour des faits similaires : des publications, des mots, des critiques.

Au fond, cette affaire pose une question essentielle : la justice française protège-t-elle la liberté d’expression, ou protège-t-elle certains intérêts ? Car quand dénoncer un discours de haine devient un crime, et que répandre la haine à visage découvert reste impuni, ce n’est plus de la justice — c’est de la politique.