Sarah Knafo, élue vice-présidente de l’intergroupe Chrétiens d’Orient au Parlement européen le 12 février 2025, censée porter la voix des chrétiens persécutés n‘est qu’une posture taillée sur mesure pour séduire un électorat conservateur attaché aux racines chrétiennes de l’Europe. « 350 millions de Chrétiens sont persécutés dans le monde. Des hommes, des femmes, des enfants, parce qu’ils ont le malheur de croire en Jésus et qu’ils sont nés dans des pays qui le haïssent », lançait-elle avec emphase le jour de son élection, visant implicitement les exactions islamistes. Une rhétorique bien rodée, qui fait vibrer la corde sensible des électeurs nationalistes.
Mais lorsque les flammes ont dévoré l’église Saint-Georges, un joyau byzantin du Ve siècle, et le cimetière chrétien ancestral de Taybeh, dernier bastion chrétien de Cisjordanie, le 7 juillet 2025, le silence de Mme Knafo a résonné comme un aveu : sa croisade pour les chrétiens n’est qu’un outil électoral, soigneusement sélectif.
Les faits sont accablants : des colons israéliens, selon les prêtres des Églises grecque orthodoxe, latine et melkite, ont mis le feu à l’église et au cimetière de Taybeh, dans une attaque ciblée visant à intimider la communauté chrétienne. Le père Bashar Fawadleh, figure respectée du village, a lancé un appel désespéré à la communauté internationale pour enquêter et condamner ces violences.
Pourtant, Sarah Knafo, si loquace face aux persécutions islamistes, n’a pas daigné murmurer un mot de soutien.
Pas un communiqué, pas une déclaration, pas même un semblant d’empathie pour les chrétiens de Taybeh, dont l’héritage millénaire a été profané.
Un cimetière profané, une cause ignorée
L’attaque du 7 juillet ne s’est pas limitée à l’église Saint-Georges.
Le cimetière chrétien adjacent, où reposent les ancêtres de la communauté de Taybeh, mentionnée dans l’Évangile comme Éphraïm, a été délibérément incendié par les colons israéliens. Ce site, d’une valeur spirituelle et historique inestimable, incarne la mémoire d’une communauté enracinée depuis des siècles. Les prêtres locaux ont dénoncé cet acte comme une tentative d’effacer l’identité chrétienne du village, dans une série d’agressions répétées.
Grâce à l’intervention rapide des habitants et des pompiers, les dégâts ont été contenus, mais le message des assaillants est clair : ni les lieux de culte ni les tombes des défunts ne sont à l’abri. Que Sarah Knafo, investie depuis février 2025 d’une mission officielle pour défendre les chrétiens d’Orient, puisse ignorer un tel sacrilège est une insulte à la cause qu’elle prétend servir.
Un christianisme d’opportunité électorale
Ce silence n’est pas une simple négligence ; il trahit une instrumentalisation cynique de la cause chrétienne. Membre de Reconquête, aux côtés d’Éric Zemmour, Sarah Knafo sait que la défense des chrétiens d’Orient est un levier puissant pour séduire un électorat conservateur, attaché à une vision identitaire de la France.
Ses déclarations enflammées contre les persécutions islamistes s’inscrivent dans un narratif bien huilé : celui d’une chrétienté menacée par l’islam, un discours qui fait vibrer les militants nationalistes.
Mais lorsqu’il s’agit des colons israéliens ou de l’armée israélienne (Tsahal), responsables d’attaques contre des chrétiens palestiniens, comme à Taybeh, sa voix s’éteint.
Pourquoi ?
Parce que dénoncer ces actes risquerait de fissurer son narratif pro-sioniste, de déplaire à ses alliés idéologiques, et de désorienter l’électorat qu’elle courtise avec tant de soin.
Des violences de longue date, un silence sélectif depuis février 2025
Les chrétiens d’Orient subissent des persécutions depuis des décennies, bien avant la nomination de Sarah Knafo à l’intergroupe Chrétiens d’Orient le 12 février 2025.
Mais depuis cette date, plusieurs attaques documentées ont marqué la région, révélant l’hypocrisie de son silence sélectif.
En Syrie, un attentat-suicide dans l’église grecque orthodoxe du Prophète Élie à Damas, le 22 juin 2025, a tué 25 fidèles et blessé 60 autres, revendiqué par un groupuscule lié à l’État islamique, de connivence avec avec le nouveau président Al-Joulani (aligné stratégiquement avec Israël).
En mars 2025, des massacres dans les régions de Jableh, Banias et Haffah ont fait 1 300 morts, dont des chrétiens, dans un contexte de tensions sectaires post-Assad.
Ces violences islamistes cadrent avec le discours de Knafo, qui les dénonce volontiers. En revanche, l’incendie de l’église et du cimetière de Taybeh par des colons israéliens le 7 juillet 2025 reste ignoré, tout comme les pertes collatérales subies par les chrétiens de Gaza dans la « guerre » Israël-Hamas.
Ces incidents, souvent sous-documentés en raison de l’impunité (seulement 3 % des cas de violences de colons aboutissent à une condamnation) et des restrictions d’accès, ne suscitent aucune réaction de Knafo, révélant une indignation à deux vitesses dictée par ses priorités électorales.
Un tribalisme déguisé en universalisme ?
Sarah Knafo, issue d’une famille juive séfarade et revendiquant une identité juive tout en se disant de « culture chrétienne », joue un jeu d’équilibriste. En brandissant la cause des chrétiens d’Orient, elle flatte un électorat conservateur tout en évitant les sujets qui pourraient diviser ses soutiens.
Condamner les colons israéliens ou Tsahal, même pour des actes aussi graves que l’incendie de Taybeh, semble être un accroc dans son discours, un risque de perdre la frange pro-sioniste de son public.
Pourtant, la défense des chrétiens d’Orient ne peut être une posture opportuniste, taillée pour les urnes. Les attaques d’islamistes radicaux, comme celles de Damas, méritent une condamnation sans équivoque.
Mais les violences perpétrées par des colons juifs ou par Tsahal, comme l’incendie de Taybeh ou les destructions à Gaza, exigent une indignation tout aussi ferme.
La souffrance des chrétiens d’Orient ne se mesure pas à l’identité de leurs bourreaux ; elle appelle une solidarité universelle, sans calcul électoral.
Les chrétiens d’Orient, eux, n’ont que faire des stratégies politiciennes. Ils pleurent leurs morts, leurs églises, leurs cimetières, leur dignité bafouée.
Dans le vacarme des flammes de Taybeh, il est temps de demander : Sarah Knafo, où êtes-vous ?
Communiqué officiel des prêtres des Églises de Taybeh-Ramallah / Palestine
Concernant les attaques répétées des colons sur les terres, les lieux saints et les propriétés8 juillet 2025Nous, prêtres des trois églises de Taybeh — l’Église orthodoxe grecque, l’Église latine et l’Église grecque-catholique melkite — élevons nos voix au nom des habitants de notre ville et de nos paroissiens.
Ces assaillants menacent sérieusement la sécurité et la stabilité de notre ville et visent à déstabiliser Taybeh, à tourmenter ses résidents et à profaner la sainteté de sa terre sacrée.
Le dimanche 7 juillet 2025, des colons ont délibérément incendié l’église de Saint Georges (Al-Khader), datant du 5e siècle — l’un des plus anciens lieux de culte en Palestine. Nous n’avons pas bénéficié de la vigilance des résidents locaux ni de l’intervention rapide des équipes de pompiers.
Dans une scène qui est devenue une routine provocatrice, des colons continuent de faire paître leur bétail dans les terres agricoles de Taybeh, y compris les champs familiaux, et d’empiéter sur les maisons, causant des dommages directs aux oliviers — une source vitale de subsistance pour les habitants de Taybeh — et privant les agriculteurs d’accès à leurs terres.
La région est de Taybeh, qui comprend plus de la moitié de son territoire et abrite l’essentiel de son activité agricole, est devenue une cible ouverte pour des avant-postes de colonies illégales dont l’expansion nuit gravement à la protection militaire. Ces avant-postes servent de base pour d’autres assauts sur la terre et son peuple. En tant que prêtres, nous portons une responsabilité pastorale et morale envers notre communauté. Nous ne pouvons rester silencieux face à ces actes, notamment dans un lieu connu dans l’Évangile comme « Ephraïm », le lieu où Jésus s’est retiré avant Sa Passion (Jean 11:54) — le dernier bastion entièrement chrétien en Cisjordanie. Cette ville est un témoignage unique de l’esprit et de la culture chrétiens, préservés fidèlement par le peuple de Taybeh à travers les générations, malgré les risques d’érosion et de déplacement dus à l’occupation systématique de terres sacrées et au préjudice causé à la communauté locale. Nous faisons appel aux acteurs locaux et internationaux — notamment aux consuls, ambassadeurs et représentants d’églises — pour prendre les mesures suivantes :
- Lancer une enquête immédiate et transparente sur les incidents d’incendie et les assauts en cours sur les propriétés, les terres agricoles et les lieux saints.
- Appliquer une pression diplomatique sur les autorités pour stopper les actions des colons et prévenir toute nouvelle entrée ou dégradation des terres de Taybeh.
- Dépecher des délégations internationales et d’églises pour visiter les lieux, documenter les dégâts et porter témoignage de la réalité sur le terrain.
- Soutenir le peuple de Taybeh à travers des initiatives économiques et agricoles, et renforcer leur résilience face à cette occupation illégale.
Nous croyons que la Terre sainte ne peut rester viable sans ses peuples autochtones. Expulser les agriculteurs de leurs terres, menacer leurs églises et encercler leurs villes est une atteinte à la justice qui, ultimement, prévaudra.
Fr. Jack Nabel Abdel
Fr. Bashar Fawadleh